Meyrin mise sur la gestion durable de son administration

Une ville en santé pour une vie en santé : voici le titre qu’a donné le Conseil administratif de la Ville de Meyrin à son programme de législature 2020 à 2025. Cette volonté politique se reflète aussi à l’interne, dans les principes directeurs que la commune genevoise applique aux achats responsables. Depuis 2019, Véronique Diebold veille à la mise en œuvre de la gestion durable au sein de l’administration.
Faire de Meyrin une ville durable pour ses plus de 26’000 habitant·e·s est un objectif auquel les responsables politiques de Meyrin adhèrent depuis plus d’une vingtaine d’années. Meyrin a été la première commune genevoise labellisée « Cité de l’énergie » en 2002, puis en 2006 et en 2010, avant de recevoir également le label « European Energy Award Gold » en 2014, 2018 et 2022. C’est donc tout naturellement que Véronique Diebold, responsable du système interne de gestion durable, parle de son travail au sein de l’administration comme « une valorisation du travail qui a déjà été fait sur le terrain ». Elle reconnaît pourtant que la gestion durable était un concept un peu flou pour beaucoup de ses 600 collègues dans l’administration quand elle fut engagée en 2019 – malgré le fait qu’une politique interne du développement durable ait été formulée en 2017, avec les achats responsables comme un des axes prioritaires. Il fallait donc « quelqu’un » pour que la politique soit véritablement appliquée à l’interne, d’autant plus que l’administration de Meyrin ne comprend pas moins de 17 services et que les achats ne sont pas centralisés.
L’importance du soutien politique
Véronique Diebold dit ne pas avoir expérimenté de résistance venant des services au niveau de la nécessité de mettre en place des achats responsables. La mise en pratique s’avère toutefois plus compliquée. Sachant que le respect des critères pour les achats publics est déjà complexe, le respect de règles internes supplémentaires et une procédure d’achats très détaillée représentent effectivement une charge supplémentaire. Ainsi, trois offres différentes sont obligatoires pour tous les achats au-delà de 10’000 francs. Véronique Diebold a alors bénéficié d'un soutien politique qui a facilité le dialogue avec les services : les principes directeurs des achats responsables ont été révisés, élargis et validés en 2020 par le Conseil administratif. Les principes sont au nombre de six et ne sont pas formulés de manière technique, mais répondent à un vrai questionnement :
Est-ce que l’achat est vraiment nécessaire ou est-ce qu’il est plutôt le fruit d’une envie ?
Est-ce qu’il respecte l’être humain en tant que producteur et utilisateur ?
Est-ce qu’on pourrait refuser l’achat et privilégier une réparation, une réutilisation/location ou un recyclage ?
Est-ce qu’il contribue à la lutte contre le changement climatique ?
Est-ce qu’il privilégie les fournisseuses et fournisseurs responsables ?
Est-ce que le coût global de possession a été pris en considération ?
Ce cadre générique est ensuite appliqué à chacune des « familles d’achat prioritaires » qui ont été définies à Meyrin, à savoir l’alimentation, les prestations d’impression, les vêtements professionnels, le mobilier, les cadeaux et objets promotionnels et les fournitures de bureaux.
Exemples de changements
Aujourd’hui, lorsqu’il s’agit d’offrir un cadeau lors du Noël organisé pour les aîné·e·s, le choix se porte sur des produits du terroir plutôt qu’un objet. Le service de l’Etat civil a de son côté opté pour un stylo de marque suisse pour l’offrir aux mariés. Et il a remplacé l’écrin qui était composé de plastique et de composite par un modèle produit par des apprentis en formation dans un atelier de papier. Le prototype en papier mâché est personnalisé et rappelle la Cité de Meyrin, et il fait des émules : les registres en cuir sont également remplacés par ce même matériau. Les bouteilles en PET ont été remplacées par une gourde pour les collaboratrices et collaborateurs, les pulls et les tabliers sont de meilleure qualité et issus du commerce bio et équitable. Cela les rend plus chers, mais aussi plus durables. Idem pour la machine qui fournit de l’eau ozonée pour le nettoyage : elle a coûté plus cher à l’achat, mais a rendu l’utilisation d’une partie des produits de nettoyage obsolète et protège ainsi le porte-monnaie, la santé et l’environnement.
Le coût global a également été un critère pour les gobelets lavables qui ont remplacé les jetables : ils sont plus de deux fois plus chers à l’achat mais ils émettent quatre fois moins de CO

« Faire naître et s’ancrer une culture des achats durables prend du temps. Mais plusieurs services s’impliquent et sont intéressés à trouver des solutions. »
– Véronique Diebold, Responsable du système interne de gestion durable, Ville de Meyrin
La concertation permet d’avancer
Ce sont ces expériences positives et la procédure pour y arriver qui forment, outre l’appui politique, la clé du succès à Meyrin. La concertation avec les collaboratrices et collaborateurs permet de développer une vraie culture de l’achat responsable « à la base ». Véronique Diebold effectue d’abord un travail d’analyse de son côté et présente le résultat aux services pour discussion et concertation sur le choix des critères qui vont définir un référentiel. Une fois les critères validés au sein des services concernés, ils sont présentés au Conseil administratif pour validation finale. Ensuite, l’ensemble est formalisé pour toute l’administration.
Pour faciliter les procédures, une grille de questions aide les collaboratrices et collaborateurs dans l’évaluation du besoin ou du contrôle budgétaire. Des listes avec des fournisseuses et fournisseurs et des produits conformes à la gestion interne durable sont également mises à disposition. Véronique Diebold tire un bilan plutôt positif : « Faire naître et s’ancrer une culture des achats durables prend du temps. Mais plusieurs services s’impliquent et sont intéressés à trouver des solutions. »
Marche à suivre
Un conseil à donner à d’autres communes ? Cerner les « familles d’achats prioritaires » pour ne pas se disperser. À Meyrin, plusieurs questions se sont posées : quelle est l’importance de l’achat dans le budget, quel est son impact, quel est son potentiel d’actions (est-il facile et/ou rapide à mettre en œuvre), est-ce qu’il pourrait avoir un effet positif ou négatif pour l’image d’une ville durable, est-ce qu’il pourrait motiver d’autres à aller plus loin dans la démarche responsable ? Véronique Diebold évoque aussi le tissu des entreprises à Meyrin. « Il est très utile de regarder si un service ou un produit pourrait être fourni localement. » Il pourrait coûter plus cher à l’achat mais se révéler moins cher si la durabilité et la responsabilité sociale, économique et écologique sont aussi prises en compte dans le calcul du prix.
Un référentiel pour les repas des enfants
Plus de végétarien, plus de local et plus de produits issus de l'agriculture biologique locale : depuis l’automne 2022, ces principes s’appliquent aux menus qui sont servis dans les écoles et les crèches de la Ville de Meyrin. Sur la base des principes directeurs des achats responsables, un référentiel pour une alimentation durable a été établi pour la restauration collective dans ces deux domaines. Il stipule, entre autres, que deux menus végétariens doivent être servis par semaine, que le boeuf et le poisson ne seront servis que deux fois par mois, le veau seulement une fois. Les critères renforcent l'intégration de produits Genève Région-Terre Avenir et de produits biologiques, limitent les produits ultra-transformés et intègrent le label Fourchette verte. Ce dernier promeut une alimentation équilibrée dans les établissements de restauration collective, se basant sur les recommandations nutritionnelles suisses de l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) et de la Société Suisse de Nutrition. « Parce que la santé humaine est étroitement liée à celle de l’environnement, Fourchette verte encourage les professionnelles et les professionnels de la restauration collective à prêter une attention particulière à l’origine, aux saisons et au mode de production des aliments, à la fréquence de produits d’origine animale ainsi qu’au gaspillage alimentaire », peut-on lire sur leur site. À Meyrin, la restauration collective est assurée par la société Eldora. « Elle est très à l’écoute », assure Véronique Diebold.
Image : Commune de Meyrin