Créer une prairie fleurie, un jeu d’enfant ?

Esthétiques, naturelles, nécessitant peu d’entretien, les prairies fleuries ont le vent en poupe dans les jardins. Si la création et l’entretien d’une prairie fleurie est à la portée de tout un chacun, il convient néanmoins de respecter certaines règles pour une mise en œuvre réussie. Comment s’y prendre pour éviter les mauvaises surprises et contribuer efficacement à la promotion de la biodiversité ?
Si les prairies fleuries naturelles étaient foison il y a plus d’un siècle, elles sont aujourd’hui menacées par la déprise agricole, l’urbanisation ou encore l’intensification des modes de production fourragère. Les champs de fleurs vivants et colorés ont ainsi bien souvent laissé leur place à des déserts verts ou gris. Ces prairies sont pourtant des réservoirs inestimables pour la biodiversité : elles hébergent plus de la moitié des espèces végétales de Suisse et fournissent abri et nourriture à une petite faune innombrable. Installer un bout de prairie chez soi permet de contribuer à sa mesure à la préservation de ce patrimoine constitué au cours des siècles.
Une prairie fleurie, c’est quoi ?
Intimement liées à la présence humaine et à l’agriculture (production de fourrage), les prairies fleuries naturelles sont constituées de graminées et de fleurs sauvages, principalement vivaces. Exit donc les coquelicots et autres bleuets ! Tout esthétiques qu’elles soient, ces fleurs annuelles ne peuvent se maintenir durablement dans une prairie permanente et nécessitent un renouvellement régulier. On trouvera plutôt dans une prairie des sauges, marguerites, centaurées etc., chacune développant un cortège floristique spécifique en fonction des conditions locales.

La Centaurée jacée se retrouve communément dans les prairies permanentes.
Choisir le bon emplacement
Si les prairies fleuries peuvent s’implanter dans beaucoup de situations, il faut privilégier les emplacements les plus maigres possibles avec un bon ensoleillement. Une observation minutieuse de la végétation en place pour s’assurer de l’absence de plantes problématiques, comme les espèces se développant par stolons (chiendent, chardons des champs, etc.) ou les néophytes (vergerette annuelle, bunias d'Orient, etc.), permettra d’éviter de mauvaises surprises par la suite.
Préparer le terrain
Une bonne préparation du terrain est une étape clé pour l’implantation d’une prairie fleurie. L’objectif est d’éliminer la végétation en place afin d’éviter toute concurrence avec les espèces de la future prairie. Pour ce faire il est recommandé d’effectuer un premier travail du sol en profondeur (fraisage ou labour, 15-20 cm) durant l’hiver précédant le semis. Pour les très petites surfaces, il est également possible de décaper et évacuer la couche supérieure du sol (env. 5 cm). Ensuite, il faudra attendre au moins 30 jours avant d’effectuer un deuxième travail plus superficiel (fraisage ou hersage, env. 5 cm), et ce une à deux semaines avant le semis. Un dernier « affinage » au râteau sera effectué juste avant de semer. Il est important d’éviter tout apport de substances nutritives lors de la préparation du terrain et ultérieurement.

Un dernier travail superficiel au râteau est nécessaire juste avant le semis.
Semer
La période idéale pour le semis se situe entre mi et fin avril en plaine et peut aller jusqu’au mois de juin en altitude, quand le sol est déjà assez chaud mais encore humidifié par les rosées matinales. Il faut effectuer le semis à la main, en conditions sèches, idéalement avant une période de pluie. On prendra soin de séparer la semence en plusieurs portions et de parcourir la surface en longueur et en largeur afin d’assurer une bonne répartition du semis. Les graines de prairies ayant besoin de lumière pour germer, il ne faut surtout pas enfouir ou recouvrir le semis. En revanche, il est essentiel de faire adhérer la semence au sol, en la pressant par exemple avec un rouleau lourd.

Les graines sont semées à la volée en parcourant la surface en longueur et en largeur.
Choisir des semences régionales
Si toutes les marguerites peuvent se ressembler, chaque individu s’est adapté au cours des siècles aux conditions spécifiques de sa région d’origine (écotypes) ainsi qu’à la communauté de plantes et d’animaux qui l’accompagne. Afin de préserver ces caractéristiques, il est essentiel d’utiliser des semences indigènes et d’origine régionale, mais celles-ci peuvent s’avérer difficiles à trouver dans le commerce. Le site regioflora recense les principaux fournisseurs professionnels de semences régionales.
Entretien durant l’année du semis
Durant les semaines suivant le semis, la prairie va être colonisée par des plantes annuelles à croissance rapide, comme les chénopodes. Malgré un aspect esthétique peu attrayant, leur présence est nécessaire à la bonne implantation des plantes vivaces de la future prairie, qui se développeront principalement sous forme de rosettes la première année. Une première fauche de « nettoyage » à 7-10 cm devra être réalisée dès que ces espèces annuelles atteignent la hauteur du genou ou que la lumière n‘arrive plus au sol. En fonction de la vigueur de la repousse, il faudra prévoir deux, voire trois coupes la première année, en évacuant à chaque fois le produit de la fauche. Une dernière coupe avant l’hiver sera nécessaire afin de garantir assez de lumière pour la reprise au printemps. Durant la première année, toutes perturbations qui pourraient nuire aux jeunes plantules (arrachage de plantes indésirables, piétinement, etc.) devraient être évitées.

Durant l’année du semis, les rosettes des plantes de la prairie se développent. Elles fleuriront à partir de la deuxième année.
Entretien durant les années suivantes
Si les étapes de préparation ont été effectuées correctement, la prairie devrait offrir une belle floraison dès la deuxième année. Une fois la prairie installée, son entretien se résume essentiellement aux fauches et au contrôle éventuel de plantes problématiques. Durant les premières années, et surtout si le sol est assez riche, il ne faut pas tarder à faucher une fois la première floraison passée (avant la maturité des graminées, entre fin mai et fin juin selon la situation). La fauche doit être effectuée à la faux ou la barre de coupe, à une hauteur de 7 cm environ. Pour favoriser la petite faune, il est préférable de faucher en plusieurs fois, de l’intérieur vers l’extérieur et/ou en laissant des zones de refuge adjacentes. Le foin doit être laissé à sécher sur place quelques jours afin d’en libérer les graines, puis être ramassé et exporté. Si dans les endroits très maigres, une seule fauche tardive en juillet peut suffire, dans la plupart des cas une fauche en juin et une deuxième fauche en automne sont nécessaires.

Un an après le semis, une prairie montre déjà une belle profusion de couleurs. Crédit image : Wolfgang Bischoff
À vous de jouer !
Tout est clair ? Il ne reste plus qu’à passer à l’action ! Si vous n’avez pas l’âme d’un paysagiste, n’hésitez pas à faire appel à un professionnel pour la préparation du terrain ou le semis. Et avec un peu de curiosité et d’entrain, l’entretien de votre prairie deviendra réellement un jeu d’enfant !
Une marche à suivre pour les privés
Dans le cadre du projet « Voisinages fleuris ! » la Fondation Pusch encourage les communes et les particuliers à mettre en place des prairies fleuries naturelles. Elle a réalisé dans ce but un mode d’emploi simplifié pour la réalisation de prairies dans son jardin. Vous pouvez le télécharger gratuitement (PDF).