« La participation conduit à une meilleure acceptation »

La participation est-elle coûteuse et complexe ? Oui, mais Joëlle Mastelic, professeure à la HES-SO Valais-Wallis, est convaincue que l'effort en vaut la peine. Dans son interview, elle met en avant des bons exemples de communes et montre pourquoi les villes et les communes devraient briser les silos et planifier de manière participative pour un avenir respectueux du climat.
Nadine Siegle en conversation avec Joëlle Mastelic
En tant que scientifique, vous vous intéressez de près aux processus participatifs, notamment dans le cadre de stratégies climatiques communales. Que conseillez-vous aux communes ?
Joëlle Mastelic : La participation ou ce que l'on appelle la cocréation peut s'appliquer de manière très différente dans les communes. Tout dépend de la position de la commune. En ce qui concerne les objectifs et les stratégies climatiques, il y a principalement deux niveaux : le niveau des objectifs et des stratégies climatiques, et le niveau des mesures concrètes pour atteindre les objectifs fixés.
Pouvez-vous citer des exemples concrets ?
La ville de Thoune est un exemple du niveau stratégique : la ville a élaboré une stratégie climatique dans le cadre d'un projet de recherche européen utilisant des approches participatives. Toutes les parties prenantes de Thoune ont été invitées à participer à des ateliers afin d’imaginer ensemble un chemin vers le zéro net d'ici 2050.

«Nous recommandons toutefois de miser sur la cocréation le plus tôt possible. Dans l'idéal, déjà au niveau stratégique.»
– Joëlle Mastelic, professeure et présidente de l’Association Energy Living Lab
Dans la ville de Winterthur, nous trouvons un exemple au niveau des mesures : les objectifs et la stratégie climatiques sont déjà fixés. La ville sait donc où elle veut aller. La question suivante est donc de savoir comment y parvenir. Winterthur développe maintenant des mesures concrètes grâce à des approches participatives afin d'atteindre ensemble les objectifs climatiques. Pour ce faire, Winterthur utilise notamment la plateforme de cocréation WinLab. Nous recommandons toutefois de miser sur la cocréation le plus tôt possible afin de profiter de tous ses avantages. Dans l'idéal, toutes les parties prenantes sont déjà impliquées au niveau stratégique.
A propos de Joëlle Mastelic
Joëlle Mastelic est professeure à la HES-SO Valais-Wallis et présidente de l’Association Energy Living Lab, un spin-off de la haute école qui se spécialise dans les Living Lab (Laboratoire Vivant), l'innovation et la recherche autour des thèmes de l'énergie et de la durabilité.
Quels sont les avantages des méthodes participatives ?
Voici deux des principaux avantages de la cocréation :
Elle contribue à briser les silos entre les différents services municipaux.
Elle favorise l'engagement des parties prenantes, car leurs besoins sont pris en compte dès le début du processus. Cela conduit à un engagement plus fort de toutes les parties impliquées, ce qui est ensuite très précieux, notamment pour l'acceptation de mesures concrètes. Cependant, cet engagement augmente aussi les attentes vis-à-vis du processus et des résultats.
Y a-t-il aussi des inconvénients ?
L'un des inconvénients est certainement que les méthodes participatives nécessitent au départ plus de temps que les méthodes conventionnelles. Mais cet effort supplémentaire est payant : Le processus se déroule globalement de manière plus fluide et les obstacles potentiels peuvent être identifiés et abordés à un stade précoce. Ainsi, le surcroît de travail initial se traduit à long terme par des résultats plus durables et plus efficaces. Dans les exemples négatifs, la procédure sans participation entraîne même plus de travail et de coûts à long terme.
Plus d'efforts par manque de participation ? Pouvez-vous donner un exemple ?
Nous travaillons avec une commune qui a élaboré une stratégie climatique avec des silos classiques. Les besoins des parties prenantes n'ont pas été pris en compte, les obstacles n'ont pas été levés. Par conséquent, l'engagement de la population a été faible. Pire encore : la commune a été confrontée à une forte opposition lors d'un grand projet dans le domaine du chauffage. C'est pourquoi nous recommandons d'impliquer tout le monde dès le début afin d'avoir une vision commune.
Mais le temps et l'argent sont des denrées rares dans les communes.
C'est vrai. Dans le cadre d'une enquête, nous avons examiné ce dont les communes avaient besoin pour permettre davantage de cocréation. Le résultat a confirmé que le temps est toujours une denrée rare. En outre, plutôt que des informations théoriques, les communes souhaiteraient plutôt des outils avec des conseils pratiques pour démarrer ce processus complexe ou des exemples d'autres communes suisses.
Où les communes intéressées peuvent-elles trouver des informations pratiques ?
En tant qu'université, nous avons pour mission de tester différentes approches avec des communes individuelles et de transmettre nos résultats par le biais de multiplicateurs, afin que tous puissent en profiter. Les résultats de nos recherches dans le cadre du projet de recherche européen « 2iSECAP » ont donné naissance à toute une collection d'outils, comme par exemple des vidéos gratuites qui permettent aux communes d'aborder facilement le sujet (voir encadré). SuisseEnergie a également publié un guide sur les différentes formes de cocréation. Il existe également de nombreuses plateformes de participation en ligne qui aident à impliquer la population. Un webinaire est prévu en novembre 2024 pour donner un aperçu de ces plateformes et de leurs fonctions.
Informations complémentaires et outils
Vous avez mentionné le projet « 2iSECAP », auquel la ville de Thoune a également participé. Qu’est-ce qui se cache derrière ce nom énigmatique ?
2iSECAP signifie « Institutionalized Integrated Sustainable Energy and Climate Action Plans ». Il s'agit d'un projet de recherche européen auquel ont participé, outre la HES-SO Valais-Wallis, de nombreux acteurs et qui s'est penché sur la cocréation et la planification participative pour la transition énergétique. Au cours des quatre dernières années, le projet a aidé plusieurs villes européennes à élaborer des plans énergétiques et climatiques, appelés « Sustainable Energy and Climate Action Plans » (SECAPs), de manière intégrée.
Cela semble compliqué. Quel était l'objectif de 2iSECAP ?
L'un des principaux objectifs du projet était et reste de briser les silos. Dans les villes, il n'est pas rare que chaque département fasse sa propre planification indépendamment des autres, par exemple le transport, la gestion des bâtiments et les questions énergétiques. Avec ce projet de recherche, nous voulions développer des méthodes et élaborer une feuille de route pour rassembler ces plans municipaux de différents secteurs dans un SECAP.
Un autre aspect important – outre la collaboration au sein de l'administration – est l'implication de la population. En effet, la transition énergétique et les objectifs climatiques ne concernent pas uniquement les objectifs de la ville ou de ses services. Ces objectifs concernent finalement tout le monde, y compris les habitants et les entreprises de la ville concernée. C'est pourquoi nous avons testé des méthodes permettant aux municipalités d'impliquer les principales parties prenantes dans la planification.
Image principale : National Open Innovation Camp, Etienne Bornet, 2024